Militant associatif et travaillant dans l’humanitaire depuis plus d’une dizaine d’années au Royaume du Maroc, Serge Aimé Guemou souhaite changer de cap en se lançant dans l’action politique afin de rendre plus concrètes ses idées, et apporter sa contribution au développement de son pays, voire de l’Afrique. Il en parle dans l’interview qui suit…
On vous connait plus au Royaume du Maroc que dans votre Cameroun natal. Racontez-nous votre parcours…
Mon pays que j’aime tant ne m’a pas donné des opportunités qu’un jeune devrait avoir à son âge au début des années 2000. C’est ainsi que j’ai choisi l’option de partir voir ailleurs dans le but de me trouver un avenir meilleur. Ce choix m’a permis de connaitre et de comprendre la vie à travers les aventures effectuées en voyageant de manière irrégulière à travers plusieurs pays d’Afrique centrale, de l’ouest et du nord.
Mon expérience m’a permis aujourd’hui de capitaliser mes compétences et connaissances, à travers la reprise de mes études. Je suis devenu ainsi titulaire d’un diplôme de technicien spécialisé en développement social, d’un diplôme en soin infirmier et de plusieurs attestations dans le domaine social et en gestion de conflits.
Travailleur humanitaire, vous ambitionnez de vous impliquer davantage dans l’action politique. Et comment ?
Oui. Ma priorité aujourd’hui est de contribuer dans une vision politique à la formation et à la conscientisation des jeunes de mon pays le Cameroun sur le civisme et le patriotisme, des notions qui vont, si on n’y prend pas garde, disparaitre bientôt.
Vous l’avez dit, je suis travailleur humanitaire ; à cet effet je suis acteur associatif et membre de la société civile aujourd’hui au Maroc. J’ai commencé à militer dans la communauté camerounaise au Maroc en 2009 où j’ai participé et contribué à l’amélioration des conditions de vie de mes compatriotes, dans le domaine administratif, par un soutien pour l’obtention des cartes consulaires ou d’immatriculation, l’obtention des actes de naissances des enfants nés au Maroc, l’obtention des laisser-passez, la promotion pour les formations à caractère socioéconomique.
J’ai également œuvré dans des associations qui défendent les droits des personnes migrantes vulnérables et demandeurs d’asile ; et aujourd’hui j’occupe la présidence de l’une d’elles.
Que fait cette association concrètement ?
Les actions à mettre à l’actif de cette association sont : la contribution dans la défense et la promotion des droits des personnes migrantes et des demandeurs d’asile, la contribution à la mise en place de la nouvelle politique migratoire du Maroc qui a abouti à deux phases de régularisation exceptionnelles. Nous avons par la suite orienté et axé le travail sur l’intégration et l’insertion des personnes migrantes dans les domaines de formations qualifiantes ; emplois salariés et dans l’auto-emploi.
« Le Conseil national des jeunes patriotes du Cameroun est un mouvement politique dont la vision est de promouvoir le civisme et le patriotisme »
Vous avez fondé le Conseil national des jeunes patriotes du Cameroun (CNJP). Quel est l’agenda de ce mouvement ?
C’est à la base une plateforme en ligne avec pour objectif la sensibilisation autour des thématiques évoquées plus haut : le civisme et le patriotisme. Aujourd’hui, le Conseil national des jeunes patriotes du Cameroun se veut un mouvement politique, qui rassemble les patriotes, les compatriotes, les citoyens, citoyennes, concitoyens et concitoyennes autour d’une vision d’où les objectifs sont de promouvoir des valeurs qui tendent à disparaitre dans notre société.
En plus des réseaux sociaux, l’expansion du mouvement est en train de prendre forme avec des branches au Cameroun, en Afrique, en Europe et en Amérique. Notre concept vise à sensibiliser et accompagner plus de jeunes Camerounais afin qu’ils comprennent l’estime de soi et le développement personnel car le fondement et la base de toute entité ou mouvement est de pérenniser ses actions.
Notre cible est la conscientisation des jeunes, car la jeunesse en Afrique est oubliée, pourtant les jeunes sont les plus nombreux. Une jeunesse bien éduquée et bien formée représente une valeur ajoutée pour le futur de nos pays.
Comment voyez-vous l’apport des jeunes dans votre initiative ?
Il y a quelques jours j’ai eu l’opportunité de visiter un pays de l’Afrique subsaharienne, après ma sortie de l’aéroport Blaise Diagne de Dakar au Sénégal, j’ai constaté que la vision politique de ce pays était visible sur la population. Les jeunes dans le pays ont compris qu’ils, avaient des droits mais aussi des devoirs. J’ai observé avec attention l’accueil et l’orientation des agents qui travaillent à l’aéroport, j’ai vu une jeunesse qui prend ses responsabilités et cela m’a fait énormément plaisir.
Dans de nombreux pays en Afrique il existe encore beaucoup de jeunes qui n’ont pas de droits, il y a encore des enfants soldats, des jeunes qui sont exploités dans des nombres activités illicites et parfois font l’objet des abus sexuels c’est aussi notre devoir de dénoncer et de condamner afin que les autorités fassent le nécessaire. C’est ce combat que nous menons, que nous avons toujours mené pour les jeunes.
Les politiques font beaucoup des efforts pour informer, former et impliquer les jeunes dans les actions et activités, mais la collaboration et la participation des acteurs en la matière sont nécessaires et capitales, nous comptons œuvrer dans ce sens.
« Que les jeunes Africains suivent les traces des jeunes Sénégalais en prenant le pouvoir par les urnes »
Au Sénégal, on vous a même vu sur la tombe du premier Président camerounais. Pourquoi cette démarche ?
Je suis camerounais, bantou, né d’une maman Béti et d’un papa Bamiléké. Traditionnellement chez nous les Bamiléké, on voue un profond respect aux morts, on sait qu’ils sont partis dans un autre monde, que c’est juste la présence physique qui fait défaut ; mais ils nous parlent très souvent à travers divers signes.
Mon voyage au Sénégal était d’emblée placé sous le signe de la bénédiction. C’est la raison pour laquelle je suis allé le 11 octobre 2024 prendre les bénédictions du père fondateur de notre cher et beau pays le Cameroun, El Hadj Amadou Ahidjo et de son épouse qui reposent toujours au cimetière Bakhiya de Yoff afin que son esprit puisse m’accompagner dans la nouvelle mission qui est la mienne désormais : celle de guider les autres.
En cette fin d’année, des élections sont organisées un peu partout en Afrique, la victoire la plus sensationnelle est celle du Pastef au Sénégal lors des législatives du 17 novembre dernier ; que vous inspire cette prise de pouvoir par les jeunes ?
Depuis de longues années, les gouvernants nous disent que la jeunesse est le fer de lance de la nation, curieusement lorsque cette jeunesse veut s’impliquer dans les affaires politiques, on lui dit que le moment n’est pas propice, de patienter, qu’elle est trop pressée ; des prétextes insignifiants voire infantilisants à la limite.
Voilà, des jeunes viennent de montrer au Sénégal qu’ils vont prendre désormais en charge leurs destins, qu’ils ne vont plus les confier à ceux qui ne se soucient guère de leurs préoccupations. C’est un message que la jeunesse sénégalaise lance à la jeunesse africaine, un exemple à suivre partout en Afrique : que les jeunes Africains suivent les traces des jeunes Sénégalais en prenant le pouvoir par les urnes, et ne plus laisser les autres décider de ce qui est bon ou mauvais pour eux.
Avez-vous des rapports avec les partis politiques au Cameroun, lesquels ? Peut-on savoir la nature de ceux-ci ?
Si vous entendez par rapports une collaboration ou un partenariat, nous n’en sommes pas encore à ce niveau avec les partis politiques camerounais ; toutefois, rien n’étant exclu en politique, nous travaillerons avec ceux dont les orientations cadrent avec nos objectifs qui comme vous le savez, font la part belle aux jeunes et les placent au cœur de notre future gouvernance.
Puisque vous aspirez à gouverner, c’est-à-dire à prendre la place du RDPC, le parti au pouvoir au Cameroun ; quelle différence peut-on souligner entre votre mouvement et ce parti ?
La différence se trouve certainement au niveau de l’action et non des discours. Nous allons mener une politique avec du concret et de l’efficacité, notamment en disant ce que nous allons faire et en faisant ce que nous allons dire.
Serge Aimé Guemou, sera-t-il candidat à la présidentielle de l’année prochaine au Cameroun ?
Tout mouvement politique aspire à prendre le pouvoir et à gouverner ; nous avons un programme de gouvernance que nous aspirons mettre en place. Pour la circonstance nous menons des démarches pour y parvenir à travers divers mécanismes. Le moment venu, nous allons nous prononcer sur notre décision finale en informant l’opinion publique nationale et internationale.
Propos recueillis par Serge HENGOUP