Les rebelles du M23 soutenus par le Rwanda, ont avancé dimanche dans le centre de Bukavu, dans l’est de la République démocratique du Congo, rencontrant peu de résistance de la part des troupes gouvernementales, ont indiqué des témoins et le groupe armé, alors que le Congo accusait le Rwanda d’ignorer les appels à un cessez-le-feu.
Le commandant rebelle Bernard Byamungu a déclaré à Reuters que le M23 contrôlait la ville depuis le milieu de la journée.
Depuis la prise de la ville de Goma fin janvier, les rebelles cherchent à s’emparer de cette capitale économique. La prise apparente de Bukavu porte un nouveau coup à l’autorité de Kinshasa dans l’est du pays.
Le gouvernement congolais a affirmé que des rebelles se trouvaient à Bukavu et a accusé les troupes rwandaises d’être également entrées dans la ville. Il n’a pas précisé que la ville était entièrement sous le contrôle du M23.
« Le Rwanda poursuit obstinément son projet d’occuper, de piller et de commettre des crimes et de graves violations des droits de l’homme sur notre sol », a déclaré le gouvernement dans un communiqué.
L’avancée rapide des rebelles depuis le début de l’année et l’implication de troupes des pays voisins ont alimenté les craintes d’une guerre régionale plus large, enracinée dans des tensions autour du pouvoir, de l’identité et des ressources remontant au génocide rwandais des années 1990.
Le Rwanda rejette les allégations du Congo, des Nations Unies et des puissances occidentales selon lesquelles des milliers de ses soldats combattraient aux côtés du M23 dirigé par des Tutsis. Le pays affirme se défendre contre la menace d’une milice hutue qui combattrait aux côtés de l’armée congolaise.
« L’entrée du M23 et des Forces de défense rwandaises à Bukavu (…) constitue une grave escalade qui accroît le risque d’un conflit régional plus large, dont le coût humain serait dévastateur », a déclaré le ministère britannique des Affaires étrangères dans un communiqué.
Dimanche, il y avait peu de signes des affrontements et des effusions de sang qui ont précédé la prise de Goma, lorsque quelque 3 000 personnes ont été tuées, selon les Nations unies.
Les habitants de Bukavu ont déclaré avoir vu des troupes du M23 traverser les quartiers centraux depuis tôt le matin sans aucun signe d’opposition.
Le porte-parole du M23, Willy Ngoma, a publié sur X une photo d’un groupe de combattants posant sur la place de l’Indépendance, au centre de la capitale provinciale.
Les gains récents du groupe dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu signifient qu’il a conquis plus de territoire que toutes les autres rébellions depuis la fin des deux grandes guerres qui ont duré de 1996 à 2003. Ces avancées leur ont également donné le contrôle de certains des précieux gisements minéraux de la région.
Le Congo est le premier producteur mondial de cobalt, un composant essentiel des batteries des véhicules électriques et des téléphones portables. Il est également le troisième producteur mondial de cuivre et abrite d’importants gisements de coltan, de lithium, d’étain, de tungstène, de tantale et d’or.
RETRAIT DES SOLDATS DU CONGO
Des vidéos vérifiées par Reuters montrent des combattants du M23 en treillis défilant et s’adressant aux habitants sur la place de l’Indépendance à Bukavu et devant le bureau du gouverneur de la province. Certains habitants ont accueilli les rebelles par des acclamations et des applaudissements.
Alors que la situation semblait globalement calme, des images vérifiées ont montré de la fumée s’élevant de la prison centrale de Bukavu.
Les troupes congolaises se sont retirées de la ville pour éviter les combats dans des zones densément peuplées, a déclaré à Reuters le gouverneur du Sud-Kivu, Jean-Jacques Purusi, dans un message dans lequel il a également confirmé l’arrivée du M23 à Bukavu.
« Ils sont déjà dans ma résidence… et dans mon bureau », a-t-il déclaré, ajoutant que lui et son équipe étaient en sécurité ailleurs.
Le départ progressif des troupes congolaises et burundaises alliées de Bukavu ces derniers jours a entraîné un vide du pouvoir, déclenchant des pillages et une évasion de prison samedi.
L’arrivée du M23 a été saluée par certains à Bukavu, qui espèrent que les rebelles rétabliront l’ordre, a déclaré le chercheur congolais Josaphat Musamba, originaire du Sud-Kivu.
L’insurrection a aggravé une crise humanitaire déjà grave dans les provinces de l’est du pays. La situation « se détériore rapidement » et a laissé environ 350 000 personnes déplacées sans abri, a averti vendredi le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).
Le M23, bien équipé, est le dernier d’une longue série de mouvements rebelles dirigés par des Tutsis à émerger dans l’est instable du Congo. Il nie les allégations du Congo selon lesquelles il serait un mandataire du Rwanda.