Alors que le conflit entre l’Ukraine et la Russie entre dans sa quatrième année, ses répercussions s’étendent bien au-delà du théâtre européen. De manière plus discrète mais non moins stratégique, l’Afrique de l’Ouest devient de plus en plus un terrain de jeu d’influence et de confrontation indirecte entre Kiev et Moscou, à travers des alliances diplomatiques, des partenariats militaires et des campagnes informationnelles.
Depuis 2022, la Russie renforce sa présence en Afrique à travers le groupe paramilitaire Wagner (désormais réorganisé sous l’entité Africa Corps), ses accords militaires avec des pays comme le Mali, le Burkina Faso ou la Centrafrique et une diplomatie active fondée sur l’anti-occidentalisme. Moscou y présente son soutien comme une véritable alternative à l’influence jugée néocoloniale de l’Occident.
Face à cette offensive d’influence, l’Ukraine, appuyée par ses alliés européens, tente de son côté, de mobiliser les États africains autour des principes du droit international et de la souveraineté. Volodymyr Zelensky a ainsi lancé en 2023 une stratégie diplomatique africaine, avec la nomination d’ambassadeurs itinérants, la participation accrue à des sommets panafricains et l’ouverture de nouvelles représentations diplomatiques.
La guerre se mène également dans l’espace informationnel. La Russie utilise de puissants relais numériques et médiatiques pour diffuser ses positions, souvent par le biais de comptes anonymes, de vidéos virales ou de médias partenaires. Des messages hostiles à l’Occident, parfois teintés de désinformation, circulent largement sur les réseaux sociaux en Afrique francophone et plus particulièrement la sous-région ouest africaine.
L’Ukraine, de son côté, tente de contrer cette influence par des partenariats médiatiques, des interventions publiques de ses dirigeants et des campagnes ciblées auprès des diasporas africaines.
L’un des effets les plus préoccupants de cette guerre d’influence est son impact sur les dynamiques sécuritaires ouest-africaines. Certains analystes estiment que le soutien militaire russe à des régimes militaires fragilise les efforts régionaux de coopération et renforce des logiques autoritaires. D’autres craignent une instrumentalisation des conflits locaux (terrorisme, instabilité politique) comme leviers de positionnement stratégique.
L’Afrique de l’Ouest, longtemps considérée comme un arrière-plan passif des grandes rivalités mondiales, devient aujourd’hui un acteur convoité. Pour de nombreux dirigeants africains, cette nouvelle compétition représente à la fois une menace et une opportunité : elle pourrait leur permettre de négocier de meilleurs partenariats tout en affirmant leur souveraineté dans un monde multipolaire.
Mais cette dynamique pose une question centrale : les pays ouest-africains pourront-ils tirer parti de cette compétition sans devenir de simples pions dans une guerre qui n’est pas la leur ?
Là, reste toute la question.
