
Dans un contexte migratoire déjà tendu, la nouvelle selon laquelle onze ressortissants ouest-africains envoyés par les États-Unis vers le Ghana ont été relégués une seconde fois à des nations tierces suscite un regain de polémique sur la politique d’expulsion de Donald Trump. Cette opération met en lumière les enjeux humanitaires, juridiques et diplomatiques qui entourent la stratégie de Washington.
Selon le récit des avocats engagés, le groupe de 14 migrants, expulsés des USA et arrivées à Accra au Ghana comprenait : quatre Nigérians, trois Togolais, deux Maliens, un Libérien et un Gambien. Le gouvernement ghanéen, qui avait accepté de les accueillir dans le cadre d’un accord conclu avec l’administration américaine, les aurait depuis, renvoyés vers d’autres États, dont le Togo pour au moins six d’entre eux. Les avocats soulignent que certains bénéficiaient d’ordonnances de protection délivrées par des juges américains, qui les mettaient à l’abri de retours forcés vers leur pays d’origine, en raison de risques de torture, de persécution ou de traitements inhumains.
La semaine dernière, Barker-Vormawor a déposé une plainte au nom de 11 des 14 premiers déportés arrivés, demandant à un tribunal d’Accra de bloquer toute tentative de les renvoyer dans leur pays d’origine.
Du côté du gouvernement américain, l’administration Trump a intensifié ces six derniers mois ses efforts pour renvoyer les migrants vers des États considérés comme sûrs, y compris via des accords avec des pays tiers. Cette approche cherche à contourner les obstacles juridiques internes, notamment l’opposition des tribunaux américains ou la présence de mécanismes de protection pour les demandeurs d’asile. Le recours à des « pays relais » permet d’éviter de renvoyer directement vers les nations d’origine, voire de disperser les flux migratoires selon des routes diplomatiques.
Pour les pays d’accueil, cette pratique pose des défis inattendus. Le Ghana, en acceptant de recevoir des migrants expulsés, a précisé que sa décision n’était pas une approbation de la politique américaine, et qu’il ne « recevait rien en retour » dans l’accord. Mais la suite des évènements, le transfert rapide vers d’autres nations, a soulevé des critiques de manque de transparence, voire de responsabilité dans le suivi des personnes concernées.
D’un point de vue juridique, l’affaire pourrait alimenter des contentieux en matière de droit international et de protection des droits humains. Le principe de non-refoulement, selon lequel un individu ne doit pas être renvoyé vers un lieu où sa vie ou son intégrité est menacée, est un pilier du droit des réfugiés et du droit international des droits de l’homme. Si des migrants protégés légalement se trouvent malgré tout renvoyés vers des zones dangereuses, cela peut constituer une violation de ces engagements.
À l’échelle diplomatique, cette politique exacerbe les tensions entre Washington et plusieurs États africains, en particulier ceux qui sont sollicités comme pays de transit ou de réception. Les gouvernements doivent jongler entre obligations bilatérales, pression internationale et sensibilité intérieure, notamment face à l’opinion publique et aux organisations de défense des droits.
Enfin, pour les migrants concernés, les conséquences sont lourdes : incertitude juridique, déplacements forcés et risques accrus. Cette stratégie d’expulsion, loin d’être purement administrative, est devenue un instrument politique, avec des effets en cascade sur les relations internationales et les principes humanitaires fondamentaux.









