Le président tunisien Kais Saied a affirmé mercredi que son pays, une importante destination touristique, restait « sûr », au lendemain d’une fusillade meurtrière perpétrée par un gendarme aux abords d’une synagogue sur l’île de Djerba.
L’attaque, qui a eu lieu mardi soir alors que des centaines de fidèles achevaient le pèlerinage juif annuel dans la synagogue de la Ghriba, la plus ancienne d’Afrique, a fait cinq morts, et l’assaillant, un gendarme, a été abattu.
Selon les autorités, le gendarme a d’abord tué l’un de ses collègues par balle sur le port de Djerba et s’est emparé de son arme et ses munitions. Il s’est ensuite rendu aux abords de la synagogue, distante d’une quinzaine de kilomètres, où il a ouvert le feu sur les forces de l’ordre qui assuraient la sécurité du lieu, avant d’être tué.
Deux fidèles, un Israélo-tunisien et un Franco-tunisien, ont été tués devant la synagogue par les tirs de l’assaillant, et quatre autres ont été blessés, selon les autorités.
Six gendarmes ont également été blessés. Deux d’entre eux ont succombé à leurs blessures, selon un bilan obtenu mercredi de source hospitalière.
Attaque « lâche »
Saied a dénoncé une attaque « criminelle et lâche » en présidant mercredi une réunion du Conseil de sécurité nationale, selon une vidéo diffusée par la présidence.
« Je tiens à rassurer le peuple tunisien et le monde entier que la Tunisie restera sûre en dépit de ce genre de tentatives destinées à troubler sa stabilité » a-t-il ajouté.
Il a estimé que le but de cette attaque était de « semer la discorde, de saboter la saison touristique et de porter atteinte à l’Etat ».
L’attaque survient au moment où le tourisme enregistre une forte reprise en Tunisie, avec plus de 2 millions d’arrivées depuis le début de l’année, après un net ralentissement pendant la pandémie de Covid-19.
Ce secteur vital pour l’économie avait été gravement affecté après les attentats de 2015 contre le musée du Bardo à Tunis et un hôtel de la station balnéaire de Sousse, ayant fait 60 morts dont 59 touristes étrangers.
En 2002, la synagogue de la Ghriba avait déjà été visée par un attentat suicide au camion piégé qui avait fait 21 morts.
« L’enquête est en cours pour déterminer les responsabilités » dans cette attaque, a indiqué le ministère des Affaires étrangères.
Selon l’ancien ministre du Tourisme, René Trabelsi, une figure de la communauté juive tunisienne présent dans la synagogue au moment de l’attaque, les fidèles tués sont deux cousins: Aviel Haddad, un juif israélo-tunisien de 30 ans, et Benjamin Haddad, 42 ans, qui résidait en France.
Dans une interview à la radio Mosaïque FM, il a indiqué que « sans l’intervention rapide des forces de sécurité, un carnage aurait eu lieu car des centaines de visiteurs se trouvaient sur les lieux« .
« Cauchemar«
« Vers 20 heures nous avons entendu des bruits de tirs de pistolet. La police a fermé toutes les portes et on ne pouvait pas sortir. On ne pouvait rien faire pendant plus de trois heures« , a raconté à l’AFP un fidèle qui se trouvait dans la synagogue, Elyahu, venu d’Israël.
« Certains priaient, d’autres pleuraient« , a-t-il ajouté.
Egalement présente sur les lieux, Raoudha Seibi, de l’Association tunisienne de Soutien des Minorités affirme avoir vécu « un vrai cauchemar« .
« Je voyais les gens courir dans tous les sens. Je n’ai jamais cru que je vivrai une telle terreur« , dit-elle à l’AFP en larmes.
Cette attaque « nous bouleverse« , a écrit le président français, Emmanuel Macron, dans un message publié sur Twitter.
« Nous pensons avec douleur aux victimes, au peuple tunisien, nos amis. Nous sommes aux côtés de la famille de notre compatriote assassiné. Toujours, sans relâche, nous lutterons contre la haine antisémite« , a-t-il ajouté.
Washington a également condamné l’attaque et salué « l’action rapide des forces de sécurité tunisiennes« .
Selon les organisateurs, plus de 5.000 pèlerins, essentiellement venus de l’étranger, ont participé cette année au pèlerinage de la Ghriba, au cœur des traditions de la communauté juive tunisienne qui compte quelque 1.500 personnes.
L’attaque est survenue alors que la Tunisie traverse une grave crise socio-économique qui a empiré depuis que le président Saied s’est emparé des pleins pouvoirs en juillet 2021.
Afp