
Depuis plusieurs semaines, Madagascar vit une intensification des tensions politiques et sociales, culminant le week-end dernier avec une annonce alarmante du président Andry Rajoelina. Selon lui, le pays serait en proie à une tentative de coup d’État, alimentée par un ralliement significatif de militaires aux manifestations de la rue. Ce soulèvement populaire, initialement né d’une contestation contre les coupures récurrentes d’eau et d’électricité, semble désormais s’être mué en une véritable crise politique qui défie l’autorité du président.
Samedi, des soldats malgaches se sont joints aux milliers de manifestants dans les rues d’Antananarivo, la capitale, pour exiger la démission de Rajoelina. Ces militaires, issus du Corps d’armée des personnels et des services administratifs et techniques (CAPSAT), ont même appelé à la désobéissance, refusant d’obéir aux ordres de tirer sur la population. Leurs actions font écho à celles de 2009, lorsque des mutineries similaires avaient contribué à la chute du président Marc Ravalomanana et porté Andry Rajoelina au pouvoir. Le souvenir de ces événements ajoute une dimension dramatique aux développements actuels.
Les manifestations de ces dernières semaines, lancées par le mouvement Gen Z, ont d’abord été des protestations contre les difficultés quotidiennes : pénuries d’eau, coupures d’électricité et mauvaise gestion des services publics. Mais en se multipliant et en prenant de l’ampleur, ces manifestations ont viré en un rejet plus large de la classe politique, et notamment du président. Samedi dernier, la place du 13 Mai, devant la mairie d’Antananarivo, est devenue le théâtre de scènes de protestation où les manifestants, y compris les soldats révoltés, ont exprimé leur désaveu à l’égard de Rajoelina. Leurs cris réclamant sa démission ont résonné dans toute la capitale, soulignant le mécontentement général envers la gestion du pouvoir en place.
La réponse du gouvernement a été claire : le Premier ministre Ruphin Zafisambo a affirmé que l’exécutif se maintenait fermement en place, tout en se disant prêt à écouter les différentes forces sociales et politiques, dont les jeunes, les syndicats et même l’armée. Cependant, son message n’a pas semblé apaiser les inquiétudes de la population ni celle des soldats, qui continuent d’affirmer leur soutien aux manifestants.
Dans un contexte où au moins 22 personnes ont perdu la vie depuis le début des manifestations et plus de 100 ont été blessées, la situation semble de plus en plus explosive. Tandis que les Nations unies font état de victimes parmi les manifestants, le président Rajoelina a tenu à minimiser les pertes humaines, qualifiant de « pilleurs » les morts et les blessés lors des récentes émeutes. Sa communication, jugée déconnectée des réalités sur le terrain, a alimenté un sentiment de méfiance grandissant à l’égard de son autorité.
Le climat social et politique actuel à Madagascar reflète une division profonde au sein de la société, qui pourrait s’avérer dangereuse pour la stabilité du pays. Si les manifestations ne cessent d’éroder la légitimité de l’exécutif, le président Rajoelina, qui a d’ores et déjà dénoncé un complot visant à renverser le gouvernement, semble déterminé à rester en place, quitte à affronter la rue et l’armée. La crise politique malgache ne fait que commencer, et l’issue semble plus incertaine que jamais.









