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Côte d’Ivoire : le chef de bureau Unesco à Abidjan appelle les autorités à défendre davantage les journalistes

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Mame Omar Diop, le Chef de Bureau Unesco à Abidjan

Présentement à Abidjan en qualité de Chef de bureau et Représentant par intérim du Bureau de l’UNESCO, M. Mame Omar Diop est un spécialiste de l’éducation qui a, à son actif, plus de 15 années d’expérience dans le domaine et une riche carrière portée par d’importants chantiers, les uns plus innovants que les autres, aux quatre coins du monde. Dans un entretien exclusif qu’il nous a accordé à l’occasion de la septième édition de la journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre les journalistes, il est revenu sur son satisfecit de baisse générale d’impunité pour les crimes commis contre les journalistes dans le monde et a interpellé les autorités ivoiriennes à se joindre à son institution pour défendre davantage les journalistes dans l’exercice de leurs fonctions.

Lopinionplus : le 02 novembre dernier a été le 10ème anniversaire du plan d’action des nations-unies sur la sécurité des journalistes et la question d’impunité. Quel bilan pouvez-vous dressez jusqu’ici ?

Comme vous le savez, ce plan a été adopté en 2012 en vue de créer un environnement libre et sûr pour les journalistes et les professionnels des médias. L’adoption de ce plan est salutaire pour la liberté de la presse et la sécurité des journalistes dans le monde. Il demeure la boussole des actions des Nations Unies, à la fois dans les situations de conflit et de non-conflit. Inutile de rappeler qu’il est piloté par l’UNESCO, et nous avons mené de nombreuses actions dans le monde.

Nous avons élaboré des lignes directrices et des boîtes à outils, et nous avons formé plus de 24 000 acteurs du système judiciaire et 11 500 membres des forces de l’ordre et de la sécurité aux questions liées à la liberté d’expression et à la sécurité des journalistes, y compris dans le monde numérique. Notez en termes de bilan, que l’impunité pour les crimes commis contre les journalistes ne cesse de diminuer. Bien qu’elle reste inacceptable, elle a baissé de 23% au total depuis 2018. En 2022, le taux mondial d’impunité a été mesuré par l’UNESCO à 86% contre 89% en 2018. L’UNESCO continue donc d’observer également une tendance à la hausse des cas résolus dans le monde, passant de 11 % en 2018 à 14 % en 2022.

Ces avancées sont à saluer, même si beaucoup restent à faire, c’est la raison pour laquelle le 02 novembre de chaque année, l’UNESCO renouvelle son appel, à toutes les mesures nécessaires, pour que les crimes commis contre les journalistes, fassent l’objet d’enquêtes en bonne et due forme et que leurs auteurs soient identifiés et condamnés.

Quelle est actuellement votre stratégie pour appliquer ce plan au niveau du bureau Unesco à Abidjan que vous dirigez ?

Dans le cadre de la mise en œuvre du plan des Nations Unies sur la sécurité des journalistes et la question d’impunité, le Bureau d’Abidjan a mené et continue de mener des actions. Permettez-moi de revenir sur les actions majeures, notamment la formation des forces de défense et de sécurité sur la liberté d’expression et la liberté de la presse, nous en avons touché une quarantaine dans le cadre de l’élection présidentielle de 2020, ensuite nous avons organisé des activités de sensibilisation et de renforcement des capacités journalistes sur leur sécurité.

A cela il faut ajouter bien entendu, la célébration de la journée mondiale de la fin de l’impunité, pour les crimes commis contre les journalistes, une célébration qui a permis de toucher en Côte d’ivoire, des milliers de personnes issues aussi bien du milieu de la presse, que du monde judiciaire, sécuritaire et de la société civile. Nous avons encouragé la participation des journalistes et des acteurs du monde judiciaire et au MOOC de l’UNESCO sur les normes juridiques internationales relatives à la liberté d’expression, l’accès à l’information et la sécurité des journalistes. Le manuel est disponible sur notre site internet, j’invite tout le monde à le consulter.

Avez-vous été présent à la manifestation de cette journée initiée par les journalistes ivoiriens ? Si oui, quel message avez-vous envoyé aux autorités ?

L’UNESCO soutient toutes les initiatives visant la liberté de la presse, et la liberté d’expression, mais celles-ci doivent se faire dans le respect des autorités et des institutions. Nous sommes présents partout où le besoin se fait sentir. Depuis l’ouverture de ce bureau en Côte d’Ivoire en 2013, nous n’avons cessé d’être aux côtés des journalistes. Nous encourageons les autorités à poursuivre les efforts pour la sécurité des journalistes et des professionnels des médias.

Les statistiques du bureau Unesco à Abidjan montrent que seuls deux journalistes ont été assassinés en Côte d’Ivoire. Et pourtant, nous avons trois autres cas qui ne sont pas pris en compte dans vos statistiques, en l’occurrence : Sylvain Gagneto, assassiné en 2011, Désiré Oué, tué en 2013 et tout récemment, la consœur Ange Latt, abattue à son domicile en 2022. Pourquoi ces cas ne sont-ils pas comptabilisés dans vos statistiques ?

Comme vous venez de le mentionner l’UNESCO surveille et rend compte des meurtres des journalistes à travers l’Observatoire des journalistes assassinés que nous avons mis en place. Depuis 1993, 1564 journalistes, ont été tués dans le monde. Nous avons une équipe d’experts qui mène des enquêtes. Et ces dénonciations concernent des meurtres de journalistes, dans l’exercice de leur fonction ou en lien avec leur métier.

En ce qui concerne la Côte d’Ivoire, nos enquêtes ont révélé la mort de deux journalistes dans l’exercice de leur fonction et c’est ce qui figure dans les statistiques, comme vous l’avez souligné. Pour ce qui est des cas dont vous parlez, si on s’en tient aux rapports de police, et autres documents administratifs, ces personnes bien qu’étant des journalistes, ne sont pas mortes dans l’exercice de leur fonction. Le lien entre leur mort et leur fonction de journaliste n’a pas été établi. Les enquêtes ont révélé des cas de braquage et violences.

L’UNESCO compatit à la douleur de leur proche, car la perte d’un être cher est douloureuse. Nous n’avons enregistré aucun cas de journalistes tués en 2022 en Côte d’Ivoire à ce jour. À l’occasion de cette célébration du 02 Novembre, qui marque également le 10ème anniversaire du Plan des Nations Unies pour la sécurité des journalistes, nous invitons tous les acteurs à s’engager à nos côtés pour défendre les journalistes, nos porte-paroles de la vérité.

Luttons pour la justice et protégeons la libre circulation de l’information si indispensable à nos sociétés. Car comme l’a dit la directrice générale de l’UNESCO, Audrey Azoulay dans son message « lorsqu’il s’agit de protéger les journalistes, tout le monde a un rôle à jouer. Si nous sommes complaisants, si nous détournons le regard, nous faisons partie du problème. »

Propos recueillis par Dieunedort Essomé

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