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Côte d’Ivoire : Emilienne est rejetée par sa famille, ses amis et connaissances, à cause de la tuberculose

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En Côte d’Ivoire, pas de guérison pour 14% des malades malgré l’existence de 307 centres de traitement de tuberculose. C’est dire que l’objectif de l’Etat, qui est d’éradiquer cette maladie, n’est pas encore atteint. Pourquoi ?   

Emilienne fait partie des presque 20 000 personnes souffrant de tuberculose en Côte d’Ivoire.  Malade depuis huit ans, elle a été obligée de quitter Abidjan où elle n’arrivait plus à joindre les deux bouts, pour s’installer 100 km plus loin, dans son village, à Boudépé. Là-bas, elle est considérée comme un paria. « Je suis rejetée par ma famille, mes amis, connaissances et la société, à cause de ma maladie. Je vis cette situation comme une injustice, parce que je suis un être humain », nous raconte-t-elle les larmes aux yeux.

Malheureusement, des milliers des gens vivent la même chose. « La stigmatisation pose un vrai problème dans l’entourage des malades, parce que les gens ne sont pas assez sensibilisés sur la tuberculose et vivent avec des préjugés divers. Toutefois, nous continuons la communication sur le sujet, parce que c’est l’une des clés de réussite de notre mission », dit Mamey Kamara, la chargée de communication d’Alliance Côte d’Ivoire. L’ONG mène au cours de l’année plusieurs campagnes de sensibilisation et d’éducation des populations au sujet de la tuberculose, à travers les médias et les réseaux sociaux. Mais toujours est-il que les gens souffrent beaucoup par rapport au rejet et à l’isolement au sein de leurs familles respectives.

Même pour se faire traiter, Emilienne, à ses 80 ans, doit faire le trajet pendant 6 heures, à pieds, en aller-retour. Son centre de traitement se trouve à 15 km de son domicile, à Adzopé. Outre le fait de parcourir cette distance, elle doit encore faire la queue au centre de traitement. C’est dire qu’elle passe toute une journée pour ses médicaments, ce besoin vital pour son bien-être. « C’est une injustice, parce que je suis un être humain et j’ai le droit à la santé comme tous les habitants de mon pays », se lamente Emilienne.

Dans les établissements hospitaliers du pays, il est rare qu’un médecin parle ouvertement des sujets qui fâchent, mais lorsqu’il est assuré que son identité sera tenue secrète, un spécialiste en tuberculose, maladie causée par le bacille de Kock, se lâche : « Le problème d’infrastructures en matière de soins est fondamental. L’Etat gagnerait à aller vers les malades pour plus d’efficacité dans les soins ; afin d’atteindre son objectif qui est de zéro malade dans le pays. Cela faciliterait les soins pour les personnes défavorisées et vulnérables »

La Côte d’Ivoire compte à ce jour 307 centres de traitement ; au mois de mars dernier, les données du rapport 2020 de l’Organisation mondiale de la santé (Oms) indiquaient que l’incidence de la tuberculose est de 137 cas pour 100 000 habitants. Les statistiques gouvernementales indiquent une baisse du nombre des malades, estimée à 1522 en un an, passant de 21 498 en 2019 à 19 976 en 2020.

Contrairement à Emilienne, Ousmane habite très proche de son centre de traitement dans la commune de Treichville à Abidjan. Toutefois, il éprouve toutes les peines du monde pour se faire soigner. « Je souffre de tuberculose depuis environ 10 ans. Au centre antituberculeux du CHU de Treichville où je me soigne depuis ces années, rien n’est facile. L’Etat de Côte d’Ivoire dit que le traitement est gratuit, les médicaments aussi. Mais ce n’est pas la réalité. On nous vend les médicaments », se lamente-t-il.

Malheureusement, quand on a parlé avec plusieurs docteurs dans le domaine de la tuberculose, on a compris que c’est la triste réalité dans certains centres de traitement. « Très souvent, il est dit aux malades que les médicaments sont finis et parfois lorsque qu’un malade demande à en acheter, curieusement, ils sont disponibles », affirme un docteur qui a souhaité garder son anonymat.

Ousmane dit qu’il perd son espoir. « Quand j’ai besoin des médicaments, on me répond qu’ils sont finis, mais lorsque je demande si je peux en acheter, on me dit oui : quelle corruption sur le dos des malades ! ». En quête de solution à son problème, Ousmane est allé dans un autre centre de traitement pour avoir des médicaments ; mais cette solution a été moins efficace. « Il m’est impossible de me soigner là-bas, puisque je suis déjà inscrit dans le centre de ma commune. Que faire ? ».

Faciliter l’accès aux médicaments pour tous 

Les solutions ne manquent pourtant pas pour apporter un soulagement aux malades afin d’atteindre l’objectif d’éradiquer la tuberculose de la Côte d’Ivoire. Alliance Côte d’Ivoire, partenaire de l’Etat dans son Programme national de lutte contre la tuberculose dit que l’Etat doit faciliter l’accès aux médicaments pour tous les malades éloignés des centres de traitement, parce qu’il est primordial de se rapprocher des personnes souffrant déjà des préjugés divers pour une prise en charge adéquate et concrète afin de mieux les soigner.

« Il faut mettre en œuvre des activités sensibles aux genres, droits humains et populations clés ; adopter une approche différenciée dans le suivi des patients avec un fort accent sur les populations clés ; mener une évaluation des obstacles d’accès aux soins des patients tuberculeux dont les conclusions serviront de plaidoyer au niveau national et de réorientation stratégiques ; mettre en place un cadre multisectoriel national de lutte contre la tuberculose et impliquer tous les acteurs communautaires dans le suivi des patients tuberculeux. », propose sa directrice exécutive Dr Madiara Coulibaly.

Dr Coulibaly soutient que « la stigmatisation ne peut diminuer qu’avec une éducation de masse des populations au sujet de la tuberculose. » Il urge donc de sensibiliser les gens sur la guérison de la maladie, leur expliquer qu’on peut guérir de la tuberculose et mener une vie normale.

Une autre solution est la formation du personnel soignant de qualité, c’est aussi très important pour éviter la corruption et le marché noir des médicaments de tuberculose.

En ce qui concerne nos deux malades, comme les autres partout dans le pays, l’espoir d’une guérison existe.  Emilienne estime qu’après sa guérison, elle sera une personne très heureuse, « parce que je pourrai vivre normalement au sein de mon entourage ». Ousmane quant à lui, se dit confiant : « Je vais guérir, c’est mon vœu le plus cher »

Serge Hengoup

 

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