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 Côte d’Ivoire : Emilienne est rejetée par sa famille, ses amis et connaissances, à cause de la tuberculose

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En Côte d’Ivoire, pas de guérison pour 14% des malades malgré l’existence de 307 centres de traitement de tuberculose. C’est dire que l’objectif de l’Etat, qui est d’éradiquer cette maladie, n’est pas encore atteint. Pourquoi ?   

Emilienne fait partie des 19 976 personnes malades de la tuberculose en Côte d’Ivoire. Au mois de mars dernier, les données du rapport 2020 de l’Organisation mondiale de la santé (Oms) indiquaient que l’incidence de la tuberculose est de 137 cas pour 100 000 habitants.

Le nombre de « cas notifiés était de 21 498 en 2019 et de 19 976 en 2020. » Résidant dans son village, Boudépé, qui se trouve à plus d’une centaine de km d’Abidjan, Emilienne ne dispose pas de structure pour ses soins. Souffrant de tuberculose pulmonaire depuis 2013, elle a été obligée de quitter Abidjan où elle n’arrivait plus à joindre les deux bouts, faute de ressources, pour s’installer dans son village.

Là-bas elle est considérée comme un paria. « Je suis rejetée par ma famille, mes amis, connaissances et la société, à cause de ma maladie. Je vis cette situation comme une injustice, parce que je suis un être humain », nous raconte-t-elle les larmes aux yeux.  Le centre de traitement où elle va suivre les soins, est situé à Adzopé, à plus 15 km de son domicile. Sans ressources, elle doit parcourir ce trajet à pieds, en aller et retour, afin d’entrer en possession des médicaments pouvant la soulager.

Un véritable calvaire pour cette octogénaire qui dit vivre cette situation comme « une injustice, parce que je suis un être humain et j’ai le droit à la santé comme tous les habitants de mon pays » Ousmane n’a pas de problème de distance contrairement à Emilienne. En ce qui le concerne, son lieu d’habitation est à proximité d’un centre de traitement. Celui-ci habite la commune de Treichville, située dans la ville d’Abidjan.

Un CHU (Centre hospitalier universitaire) existe dans cette commune, et est bien entendu pourvu en centre de traitement antituberculeux.  Toutefois, il éprouve toutes les peines du monde pour se faire soigner. « Je souffre de tuberculose depuis environ 10 ans. Au centre antituberculeux du CHU de Treichville où je me soigne depuis ces années, rien n’est facile. L’Etat de Côte d’Ivoire dit que le traitement est gratuit, les médicaments aussi. Mais ce n’est pas la réalité. On nous vend les médicaments », se lamente-t-il.

Interrogé au sujet de la vente des médicaments, un médecin du CHU de Treichville souhaitant garder l’anonymat, nous a dit que c’est malheureusement la triste réalité dans certains centres de traitement. « Très souvent, il est dit aux malades que les médicaments sont finis et parfois lorsque qu’un malade demande à en acheter, curieusement, ils sont disponibles », dénonce-t-il.

Cette assertion vient à propos, pour corroborer les dires d’Ousmane. : « Quand j’ai besoin des médicaments, on me répond qu’ils sont finis, mais lorsque je demande si je peux en acheter, on me dit oui : quelle corruption sur le dos des malades ! » Son désarroi n’est pourtant pas prêt de prendre fin ; car il nous explique qu’il a essayé d’aller dans un autre centre que celui de Treichville pour trouver une solution à son problème, mais cette solution a été moins efficace, et pour cause « impossible de me soigner ; puisque je suis déjà inscrit dans le centre de ma commune. Que faire ? »

Faciliter l’accès aux médicaments pour tous 

Les solutions ne manquent pourtant pas pour apporter un soulagement aux malades afin d’atteindre l’objectif d’éradiquer la tuberculose de la Côte d’Ivoire. Alliance Côte d’Ivoire, partenaire de l’Etat dans son Programme national de lutte contre la tuberculose, en a quelques-unes.

Sa directrice exécutive, Dr Madiara Coulibaly, a au cours de l’entretien que nous avons eu avec elle, énuméré quelques solutions. Ce sont : mettre en œuvre des activités sensible aux genres, droits humains et populations clés ; adopter une approche différenciée dans le suivi des patients avec un fort accent sur les populations clés ; mener une évaluation des obstacles d’accès aux soins des patients tuberculeux dont les conclusions serviront de plaidoyer au niveau national et de réorientation stratégiques ; mettre en place un cadre multisectoriel national de lutte contre la tuberculose et impliquer tous les acteurs communautaires dans le suivi des patients tuberculeux.

En plus de ces actions louables, l’Etat doit faciliter l’accès aux médicaments pour tous les malades éloignés des centres de traitement, parce qu’il est primordial de se rapprocher des personnes souffrant déjà des préjugés divers pour une prise en charge adéquate et concrète afin de mieux les soigner.

Une éducation de masse des populations au sujet de la tuberculose, est également nécessaire. Il urge de sensibiliser les gens sur la guérison de la maladie, leur expliquer qu’on peut guérir de la tuberculose et mener une vie normale. Une autre solution est la formation du personnel soignant de qualité, pouvant travailler en ayant en permanence à l’esprit le serment d’Hippocrate que l’on considère comme le texte fondateur de la déontologie médicale.

Ce dernier point est très important parce qu’il est indéniable que la professionnalisation du personnel soignant soit une condition sine qua none pour le Gouvernement ivoirien qui souhaite que la tuberculose disparaisse totalement du pays. En appliquant ces solutions au final, Emilienne et Ousmane guériront, pour la fierté du pays.

Serge Hengoup

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