Plus de quatre heures terrifiantes le week-end dernier, des hommes armés masqués affiliés à l’une des factions belligérantes du Soudan ont attaqué l’une des plus anciennes églises de Khartoum, ouvrant le feu sur des responsables de l’église alors qu’ils cherchaient de l’argent, de l’or et des femmes, ont déclaré deux témoins.
Le raid était l’un des nombreux ciblant des maisons, des usines, des banques et des lieux de culte que les habitants ont souvent imputés aux Forces de soutien rapide (RSF) paramilitaires, qui ont combattu l’armée dans le Grand Khartoum au cours du mois dernier.
Les combattants des RSF se sont dispersés dans de nombreuses zones résidentielles alors que l’armée les ciblait avec des frappes aériennes et de l’artillerie lourde. La police a disparu des rues, laissant les habitants à la merci des combattants armés et des gangs.
Les RSF, qui ont nié toute responsabilité dans le raid contre l’église copte de Mar Girgis (St. George), ont déclaré dans des communiqués que leurs troupes s’efforçaient de protéger les civils et que ceux qui commettent des exactions sont des criminels qui ont volé des uniformes des RSF.
L’attaque contre l’église du quartier de Masalma à Omdurman, de l’autre côté du Nil depuis Khartoum, a commencé peu avant minuit le 13 mai.
Les témoins ont décrit les assaillants comme étant dans la fin de la vingtaine, avec au moins un non-arabophone. Ils portaient des foulards sur le visage, ne laissant que les yeux découverts, et des vêtements dépareillés, y compris certains éléments de l’uniforme des RSF, ont déclaré les témoins à Reuters par téléphone.
Les hommes armés ont tiré des balles sur un prêtre, des religieuses et des sacristains, blessant cinq d’entre eux, ont déclaré les deux témoins, qui ont demandé à ne pas être nommés par crainte de représailles.
« Ils ont crié : ‘Où est l’or ? Où est l’argent ? Où sont les dollars ?' », a déclaré un témoin. Ils ont également insulté les dirigeants et les ouvriers de l’église en disant : « Vous êtes des Égyptiens, des fils de chiens », en les traitant d’infidèles et en leur disant de se convertir à l’islam.
Un peu plus de 5% des 46 millions d’habitants du Soudan seraient chrétiens, répartis en 36 confessions, selon les données du Pew Research Center et du Conseil des Églises du Soudan.
L’église copte du Soudan fait partie de l’église copte égyptienne dont le siège est au Caire.
PRÊTRE MENACÉ DE POIGNARD
Au cours de l’attaque, les assaillants ont conduit le prêtre chez lui sous la menace d’une arme et l’ont menacé avec un poignard, avant de saisir un coffre-fort contenant de l’or et de l’argent et de voler une voiture, ont déclaré les témoins.
Ils ont également vandalisé les bureaux de l’église et un sanctuaire pour l’évêque Sarabamon, le plus haut dirigeant de l’Église copte au Soudan, qui était présent lors de l’attaque et battu avec une chaise et des bâtons mais non reconnu par les hommes armés.
L’église avait une annexe avec des anciens et des orphelines, dont certaines étaient cachées pendant que l’attaque se déroulait.
Les parties belligérantes se sont mutuellement accusées de l’attaque. L’armée a accusé les RSF, tandis que les RSF ont déclaré dans un communiqué qu’un groupe « extrémiste » affilié à l’armée était responsable.
Mardi, une église anglicane du district d’Al Amarat à Khartoum, qui a connu de violents combats, a déclaré qu’elle avait été attaquée et « occupée » par les forces des RSF qui ont volé une voiture et brisé les portes des bureaux de l’église.
« Nous ne savons pas ce qu’il est advenu du reste des biens de l’église« , a déclaré Ezekiel Kondo, archevêque de l’Église épiscopale anglicane du Soudan, dans un communiqué sur Facebook.
Des combattants des RSF sont également entrés dans l’église copte de la Vierge Marie à Khartoum, forçant le personnel à partir, selon un employé de l’église au courant de l’incident et des publications des militants sur les réseaux sociaux.
La RSF n’a pas immédiatement répondu à une demande de commentaires sur les églises anglicane et vierge Marie.
Jeudi, les mêmes hommes armés qui ont attaqué Mar Girgis sont revenus pour attaquer les appartements utilisés par ses prêtres, selon l’un des témoins qui a partagé des photos montrant des portes brisées, un coffre-fort cassé et des vêtements et effets personnels éparpillés.
Malgré les raids répétés, le témoin a déclaré qu’il pensait que ce qui s’était passé était dû à l’agitation générale qui submergeait le Soudan, et non motivée par le sectarisme.
« Je ne crois pas qu’ils ciblent autant les chrétiens que c’est le chaos, le chaos, le chaos« , a-t-il déclaré. « Ils ont également pris d’assaut les maisons des musulmans. Ils pillent et volent. »
Reuters
