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Un journaliste africain remonte les bretelles à Emmanuel Macron dans une lettre ouverte

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photo d'illustration

Hengoup Serge Didier est un journaliste camerounais. Il est aussi connu pour son expertise en communication et médiations internationales, notamment en Afrique. Dans une lettre ouverte adressée au président français Emmanuel Macron, il se fend contre ses propos qu’il juge irrévérencieux à l’égard de tout un continent, l’Afrique.

Nous vous prions de lire ci-dessous, l’intégralité de sa lettre

« Monsieur le Président,

Au cours de la Conférence des ambassadrices et ambassadeurs qui s’est tenue le 6 janvier 2025, vous avez déclaré avec la condescendance, le mépris et l’arrogance qui vous caractérisent : « Je crois qu’on a oublié de nous dire « merci ». Ce n’est pas grave, ça viendra avec le temps. L’ingratitude, je suis bien placé pour le savoir, c’est une maladie non transmissible à l’homme. Mais je le dis pour tous les gouvernants africains qui n’ont pas eu le courage vis-à-vis de leurs opinions publiques de le porter. Aucun d’entre eux ne serait aujourd’hui à la tête d’un pays souverain si l’armée française ne s’était pas déployée dans cette région ».  

Monsieur Macron, allez apprendre l’histoire !

Voyez-vous Monsieur Macron, nous Africains, sommes habitués à ce comportement paternaliste et hautain venant des dirigeants de la France. Cela nous est totalement égal. Alors ne prenez pas parfois notre silence pour une forme de couardise.

L’un de vos prédécesseurs qui est devenu un habitué des palais de justice (avec de nombreux ennuis judiciaires inhérents à sa mauvaise gouvernance) depuis qu’il a quitté le pouvoir, et qui vient d’être condamné à une peine de prison avait déclaré en 2007 que « le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire ». Une déclaration irresponsable, immature et inutile ! 

Monsieur Macron, allez apprendre l’histoire ! Elle vous dira que c’est grâce aux Africains que la France a gardé l’intégralité de son territoire qu’elle possède aujourd’hui. Sans les Africains, plusieurs régions annexées par l’Allemagne entre 1871 et la fin de la seconde guerre mondiale ne seraient pas françaises de nos jours. Dans votre discours, vous dites qu’on a oublié de vous dire ‘’merci’’ ! A vrai dire, on n’a rien oublié. En ce qui vous concerne, avez-vous dit ‘’merci’’ à ceux que vous avez appelés ironiquement ‘’tirailleurs africains’’, ceux qui ont libéré la France. Non, je ne le pense pas. Ou alors vous avez dit cela à votre manière. Et Comment ? En leur accordant une indemnité différente et surtout largement inférieure à celle accordée aux soldats français. Comment appelle-t-on cette attitude Monsieur Macron ? C’est de l’ingratitude tout simplement !  

Après cette injustice, la France a tué (le mot est faible) plusieurs ‘’libérateurs’’ qui avaient osé manifester pour réclamer leur salaire pour le travail de libération de la ‘’mère patrie’’. Ces quidams ont été massacrés. A l’époque, le mot génocide n’existait pas encore ; mais il faut le dénoncer haut et fort : ce fut bel et bien un génocide. La France a-t-elle déjà présenté des excuses aux Africains ou la France a-t-elle déjà indemnisé leurs descendants ? Vous êtes mieux placé pour répondre à ces questions. Mais j’ose croire que la réponse est : non ! C’est encore de l’ingratitude, Monsieur Macron. En 2025, vous dites que les Africains sont ingrats ; alors que la France a été ingrate envers l’Afrique depuis 1945. Commencez par remercier les Africains pour leur aide, soutien et dévouement pour la libération de la France ; et ils vont vous rendre l’ascenseur.

Le djihadisme n’est pas une fabrication africaine

Ainsi Monsieur Macron, la France aurait sauvé l’Afrique du djihadisme. Quelle magnanimité ! Sauf que vous avez la mémoire courte. Je vais vous dire comment est né le djihadisme. Cette expression que les différents dictionnaires de langue française définissent comme une politique qui prône le recours au combat armé ; ou comme est une idéologie politique et religieuse islamiste qui prône l’utilisation de la violence afin d’instaurer un État, n’est pas une fabrication africaine. Dans cette explication, je retiens le mot terroriste. C’est ainsi que la France a toujours appelé les nationalistes dans les pays du continent où certains leaders contestaient ses plans (qui allaient toujours contre l’intérêt des populations africaines) pendant la période coloniale. Les faits nous donnent aujourd’hui une autre version de l’histoire. Les ‘’terroristes’’ de l’UPC au Cameroun ou ceux du FLN en Algérie (pour ne citer que ces deux pays) ne sont véritablement et finalement que des héros.  

Monsieur Macron, je vous renvoie encore à l’histoire pour expliquer comment vos diverses batailles hégémoniques ont créé, alimenté et vulgarisé le djihadisme qui s’est répandu à travers le monde entier. Après la seconde guerre mondiale, deux blocs antagonistes se forment : le bloc capitaliste et le bloc communiste, appelés encore bloc de l’Ouest et bloc de l’Est. Vous dites que vous êtes venu combattre le djihadisme en Afrique, et pourtant la plupart des pays africains n’appartenaient à aucun de ces blocs ; ils étaient des pays non-alignés. C’est dire que les intrigues et les manigances des deux blocs n’étaient pas la préoccupation de l’Afrique ; mais elle y sera malheureusement impliquée, jusqu’à nos jours.  

Les deux blocs ainsi constitués se faisaient la guerre par tous les moyens. La France qui faisait partie du bloc de l’Ouest ne peut pas ignorer que Oussama Ben Laden (le plus célèbre djihadiste ou terroriste, c’est comme vous voulez) était un allié qui aidait votre bloc à lutter contre le bloc de l’Est, notamment lors de l’occupation soviétique en Afghanistan. Le président français que vous êtes a accès aux archives pour s’enquérir des informations liées à toute cette période jusqu’à ce jour. Il suffit juste d’aller apprendre l’histoire, la vraie et non celle que vous voulez qu’on retienne.

Ainsi donc le djihadisme, c’est l’histoire du chien qui finit par mordre son maitre, une fois qu’il se rend compte que ce dernier n’est pas fiable. Le djihadisme est alimenté par la vente d’armes conventionnelles ou non. Quel pays africain fabrique les armes ? Ce sont les politiques d’exclusion, de rejet, de mépris pratiquées par les pays occidentaux (dont fait partie la France) dans les pays dits non civilisés, qui sont en majorité la base du djihadisme, du terrorisme.

Monsieur Macron, la France doit faire son introspection et vous également. Les temps ont évolué, ont changé. Les Africains d’aujourd’hui sont différents de ceux d’hier ; ils veulent des rapports d’égal à égal avec vous ; ils veulent des partenaires et non des tuteurs. Sans rancune nous vous tendons la main pour cette nouvelle donne. Il faut s’y faire, car c’est non négociable !

 HENGOUP Serge Didier

Journaliste – Expert en Communication – Médiateur International »

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