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Le JNIM cherche-t-il à instaurer un pouvoir parallèle dans le nord du Sahel ?

photo d'illustration

Entre contrôle territorial, taxation, imposition de la charia et gestion des conflits locaux, les moudjahidines du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM), étend progressivement son influence dans les régions nordiques du Sahel, laissant entrevoir une stratégie de pouvoir parallèle aux États centraux.

Dans un contexte de fragilité étatique persistante, marqué par de multiples difficultés des gouvernements locaux à asseoir leur autorité, malgré le soutien militaire du partenaire russe, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM), affilié à Al-Qaïda, semble capitaliser sur le vide sécuritaire pour affirmer une forme de gouvernance alternative dans le nord du Mali, du Burkina Faso et du Niger.

Depuis plusieurs années, le JNIM mène une stratégie d’occupation progressive dans de nombreuses zones rurales du Sahel. Son implantation ne se limite plus seulement à des attaques sporadiques ou à des actions de harcèlement : dans certaines localités reculées, les combattants du groupe ont mis en place des structures de régulation sociale, de résolution des conflits et d’imposition de normes religieuses, prenant de facto le relais des institutions absentes ou dysfonctionnelles.

Ce contrôle territorial s’appuie sur une combinaison d’intimidation, de propagande religieuse et d’accords ponctuels avec certaines communautés. Les chefs djihadistes se présentent souvent dans des localités sous contrôle comme des garants de la sécurité ou de la justice, dans un environnement où les litiges fonciers ou pastoraux sont fréquents et rarement tranchés par les autorités officielles.

Le JNIM mise sur une gouvernance de proximité, s’insérant dans les dynamiques locales à travers une forme d’administration parallèle. Il instaure la charia comme base du droit, collecte des taxes sur les activités économiques (marchés, bétail, orpaillage) et régule les déplacements dans les zones sous influence. Ce modèle, bien que coercitif, attire parfois des populations lassées par les promesses non tenues de l’État et en quête d’un minimum de stabilité.

À travers cette approche, le JNIM semble ne plus se contenter d’être une force armée insurrectionnelle : il se profile désormais comme un acteur alternatif, politique et social à part entière, construisant une légitimité fondée sur l’autorité religieuse et la capacité à offrir des services sociaux, même rudimentaires.

Les ambitions du JNIM ne semblent plus vouloir se cantonner au nord du Mali, son berceau historique. Des indices montrent une volonté d’essaimage vers d’autres régions du Sahel, notamment dans le nord du pays, l’est du Burkina Faso ainsi qu’à la frontière nigérienne. Cette expansion bien pensée, repose sur une étonnante capacité d’adaptation aux dynamiques communautaires et une stratégie de long terme, centrée sur l’implantation plutôt que sur la conquête frontale.

Face à cette réalité, les États sahéliens en proie à des transitions politiques interminables ou à des conflits internes, peinent à apporter une réponse cohérente et affirmée. Les opérations militaires, bien que régulières, ne parviennent pas à désamorcer les leviers d’adhésion du groupe djihadiste, notamment dans les zones où l’exclusion sociale et l’absence de services publics nourrissent un terreau favorable à son enracinement.

L’établissement d’un pouvoir parallèle par le JNIM soulève des questions fondamentales sur l’avenir de la souveraineté étatique dans la région. En s’insérant dans les interstices du tissu social sahélien, le groupe ne cherche pas nécessairement à renverser les régimes par la force, mais à les rendre obsolètes dans certaines zones, en les vidant de leur autorité effective.

À moyen terme, cette dynamique pourrait conduire à une fragmentation de l’espace sahélien, où cohabiteraient des enclaves djihadistes avec des zones sous contrôle militaire ou étatique, créant un patchwork d’autorités concurrentes. Ce scénario complexifie davantage les perspectives de paix durable et pose un défi stratégique majeur pour les acteurs régionaux et internationaux.

Loin d’un simple projet insurrectionnel, l’action du JNIM dans les régions nordiques du Sahel révèle une ambition plus structurée : instaurer un pouvoir parallèle enraciné dans la religion, le contrôle social et la gestion des ressources. Une évolution qui impose une relecture des réponses à apporter, au-delà du seul prisme sécuritaire.

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