À l’occasion de la 80ᵉ session ordinaire de l’Assemblée générale des Nations-Unies, la quasi-totalité des États membres ont réaffirmé leur reconnaissance d’un État palestinien. Sur les 193 pays représentés, près de 157 se sont alignés sur cette dynamique diplomatique mondiale, marquant un soutien largement partagé. Toutefois, deux dirigeants africains ont choisi de se démarquer : Paul Biya du Cameroun et Issaias Afwerki de l’Érythrée.
Le refus de Yaoundé d’adhérer à ce consensus s’explique en grande partie par la nature particulière des relations entre le Cameroun et Israël. Depuis plusieurs décennies, la coopération bilatérale entre les deux pays repose sur la sécurité et le renforcement des capacités militaires. Israël est considéré comme un partenaire stratégique, notamment pour la formation et l’équipement des Forces armées camerounaises. Le Bataillon d’Intervention Rapide (BIR), unité d’élite du pays, illustre le mieux cette coopération. Créé pour lutter contre le terrorisme, les incursions transfrontalières et les menaces internes, le BIR bénéficie régulièrement d’un accompagnement technique israélien, tant dans l’encadrement militaire que dans l’approvisionnement en matériels sophistiqués.
Ce partenariat, discret mais structurant, confère à Israël une position privilégiée dans la politique sécuritaire camerounaise. Pour Yaoundé, maintenir ce lien étroit permet de renforcer ses capacités de défense dans un contexte régional marqué par l’instabilité, notamment face aux menaces de Boko Haram dans l’Extrême-Nord. Dans ce cadre, la reconnaissance officielle d’un État palestinien aurait pu fragiliser une coopération considérée comme vitale par les autorités camerounaises.
L’Érythrée, pour sa part, partage avec le Cameroun cette singularité diplomatique, mais pour des raisons différentes. Depuis son indépendance en 1993, Asmara vit en marge du système international, entre sanctions, tensions avec l’Occident et isolement économique. Pour briser cet isolement, l’Érythrée a multiplié les partenariats stratégiques avec Israël, notamment dans le domaine sécuritaire et de la surveillance maritime. Située sur la mer Rouge, l’Érythrée occupe un espace géopolitique sensible, ce qui a renforcé l’intérêt israélien à y maintenir une présence et des alliances solides.
Ainsi, le choix du Cameroun et de l’Érythrée de ne pas s’associer au mouvement de reconnaissance de l’État palestinien illustre moins une opposition idéologique qu’une volonté de préserver des alliances stratégiques spécifiques. Là où la majorité des nations privilégie une position symbolique en faveur de la Palestine, Yaoundé et Asmara placent en avant leurs priorités sécuritaires et diplomatiques, façonnées par des relations particulières avec Israël.
