En Afrique, les programmes de reboisement foisonnent, mais la réalité sur le terrain est que ceux-ci peinent à se pérenniser. Eléments d’explication…
Les terres sèches couvrent 65 % du continent africain. Un tiers de cette superficie est constitué de déserts extrêmement arides et totalement inhabités, à l’exception des oasis. Les deux tiers restants des terres sèches, qui comprennent des terres arides et semi-arides, abritent environ 400 millions d’Africains et sont extrêmement sensibles à la désertification. Aujourd’hui, 319 millions d’hectares en Afrique sont menacés de désertification en raison de l’avancée du désert.
C’est la raison pour laquelle les dirigeants du continent ont élaboré depuis des années postindépendance des plans visant à repousser l’avancée du désert en Afrique. Malgré le bien-fondé de ces projets dont la survivance des populations en dépend largement, leur pérennité fait face à moult obstacles. Nous avons choisi de parler de deux projets, un au Cameroun : l’Opération Sahel vert, et l’autre à l’échelle continentale : la Grande muraille verte.
Sensibiliser et éduquer les populations à des gestes citoyens de préservation environnementale
L’opération Sahel vert lancée au Cameroun et dont la zone de couverture est la partie soudano-sahélienne du pays qui englobe les régions administratives de l’Extrême-Nord et du Nord, fait partie de ces plans initiés pour repousser l’avancée du désert, avec des stratégies opérationnelles de lutte contre la désertification et la dégradation des sols.
Lancée au début des années 70, cette initiative avait pour but de sensibiliser et d’éduquer les populations à des gestes citoyens de préservation environnementale. Sa mise en œuvre a cependant souffert des conséquences de la crise économique qu’a connue le pays à partir de 1987. Le gouvernement camerounais assure que plus de 10 millions d’arbres ont été plantés
Cette opération a été relancée dans la région de l’Extrême-Nord en 2008 par le Ministère de l’Environnement et de la Protection de la Nature (MINEP) à travers des activités de reboisement financées par le budget d’investissement public de l’Etat du Cameroun (BIP). Cette relance s’inscrivait dans la mise en application du PAN/LCD (2006) dans le cadre du respect de l’engagement du Cameroun vis-à-vis de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification.
A ce jour, le projet peine à avancer, faute de moyens financiers. Et pour cause, le Cameroun fait face depuis une décennie à plusieurs défis : la guerre contre la secte Boko Haram justement dans cette partie septentrionale du pays et un conflit séparatiste dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.
Vous l’avez compris, les priorités étant nombreuses et l’argent étant rare, le message à passer est le suivant : la lutte contre la désertification peut attendre. Cependant les idées ne manquent pas. L’Etat du Cameroun a lancé depuis 2020 le projet baptisé Sylviculture de seconde génération. Ceci consiste à lutter contre les avancées du désert, boiser les zones arides, reboiser les forêts dégradées et fournir du bois de plantation à l’exportation. L’objectif final est de reboiser 12 millions hectares de forêt à l’horizon 2045.
Projet traversant 11 pays d’Afrique
En ce qui concerne la Grande muraille verte, c’est une initiative de l’Union Africaine. Dénommée La Grande muraille verte pour le Sahara et le Sahel (GMV), le projet vise à lutter contre les effets du changement climatique et de la désertification en Afrique. Cette initiative ambitieuse pouvant offrir dix millions d’emplois aux jeunes a pour but de « transformer la vie de millions de personnes en créant une mosaïque d’écosystèmes verts et productifs en Afrique du Nord, au Sahel et dans la Corne de l’Afrique ».
Long de 15 km de large, la GMV traverse 11 pays (Sénégal, Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger, Nigeria, Tchad, Soudan, Ethiopie, Erythrée et Djibouti) du continent sur 7 800 km, représentant au total 11,7 millions d’hectares. Présenté en 2002 et lancé en 2007, le projet de la Grande muraille verte n’aura eu d’existence juridique que le 17 juin 2010 à la faveur de la création de l’Agence Panafricaine de la Grande Muraille Verte (APGMV) à N’Djamena au Tchad. Un organisme chargé des mécanismes de coordination d’harmonisation et d’appui à la mobilisation des ressources.
Etant donné que le financement de ce projet devait provenir des contributions des pays bénéficiaires, étant donné également que quelques-uns de ces pays font face à des problèmes d’instabilité politique, il n’est pas étonnant que le projet ait eu un retard considérable dans son développement. Bien plus grave : certains pays du groupe n’ont même pas mis en place l’Agence nationale compétente pour la gestion du projet.
Dans ce cas donc, impossible d’imaginer les bailleurs de fonds que sont la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, l’Union Européenne ou l’Agence française de développement investir dans un projet à risque dont la rentabilité n’est pas évidente.
Une autre raison du retard de ce projet, et non des moindres, concerne les polémiques inutiles qu’il urge de signaler. Des spécialistes estimant qu’il faut repenser le projet, car « l’évolution du climat dans la région sahélienne va plutôt dans le sens d’une augmentation de la pluviosité et de la couverture végétale, y compris la croissance des arbres »
Serge Hengoup